Une amie pleine de surprise
Dans sa lettre, Lucie raconte comment Maria, cette amie qu’elle a connue tout au long de sa mission, lui a appris à ne pas tout comprendre et à se laisser guider.
Vous vous souvenez de Maria ? La femme de Michele, notre ami qui est décédé en avril dernier d’une maladie grave. Nous avons été proches de leur famille à chaque étape de la maladie. Je ne sais pas tellement vous expliquer pourquoi mais j’apprécie énormément cette amie ! Elle est un peu comme une enfant : curieuse, imprévisible, capricieuse, pleine de contradictions et extrêmement sincère. Elle est déroutante par ses commentaires ou ses questions qui me laissent souvent bouche bée :
« Pourquoi tu pleures la mort de mon mari ? Vous avez vu quelque chose en lui qu’en vingt ans je n’ai jamais vu», « Ca te rend heureuse de prier ? Comment tu peux aimer quelqu’un aussi loin de toi ? Moi j’ai besoin de quelqu’un proche de moi». Etre amie avec Maria, c’est aussi accepter de ne pas tout comprendre. Un jour elle est heureuse de nous voir, un autre elle ne veut pas nous voir et elle nous le dit. Je vous avoue qu’elle m’a causé de nombreuses angoisses, préoccupations, culpabilités jusqu’au moment où j’ai accepté de ne pas tout comprendre mais à l’aimer quand même.
Nous essayions depuis un an d’inviter Maria chez nous pour lui faire découvrir davantage ce que nous vivions dans notre maison Point-Cœur mais elle avait toujours refusé. La veille de mon départ, miracle ! Elle est venue avec ses filles prendre le petit-déjeuner au Point-‐Cœur. Nous étions toutes surexcitées, d’enfin les accueillir chez nous ! En plein milieu d’une conversation banale sur le choix entre le cornetto alla nutella o il cornetto alla panna, Maria nous a dit qu’elle se sentait mal chez nous car chacun de nos visages lui rappelait des souvenirs douloureux de tous les moments que nous avons passé au chevet de son mari souffrant.
En partant, elle m’a remis une petite carte ou elle m’a écrit un simple : « Merci. Tu nous manqueras beaucoup ». Pour la messe d’envoi, (messe d’action de grâce pour le volontaire qui termine sa mission), elle nous avait prévenues qu’elle ne viendrait pas. Effectivement, c’était un magnifique mélange de tout type de personnes (des vieux, des enfants, des pêcheurs, des marins, etc.) car à Procida, tout le monde se connaît mais ils se mélangent très peu, et particulièrement Maria qui sort très peu de chez elle. Or, la première personne que j’ai vue en arrivant, c’était elle, super élégante, avec ses deux filles. Elle est restée toute la soirée pour la petite fête de départ. De loin, elle observait avec attention nos amis qui chantaient des chants napolitains à tue-tête.