Ségolène, Chili

Valentina

Ségolène nous introduit dans l’amitié avec Valentina et dans ses épreuves qu’elle a dues affronter.

Une grande rencontre du mois de juin a été Valentina. Une femme discrète, peu bavarde passant presque inaperçue dans la rue. Silencieuse, j’avais rarement eu l’occasion d’avoir une grande conversation avec elle. Pourtant cette fois-ci, c’est à cœur ouvert qu’elle s’est confiée, nous racontant différentes étapes de sa vie laissant paraître sa grandeur.

Cinq ans après leur mariage, son mari a eu un accident de travail le laissant tétraplégique. Leur fils Jerco n’avait alors que quelques années. « Nous avons vécu quatre ans d’enfer »disait-elle. La difficulté de son mari à accepter de voir sa vie complètement bouleversée et de recevoir de l’aide d’une autre personne que Valentina a entraîné l’éloignement des amis et de la famille. C’est donc de plus en plus seuls qu’ils ont dû affronter ce basculement de leur vie. Pourtant, après ces quelques années, Juan a annoncé qu’il vivrait jusqu’à ses cinquante ans. Promesse de vie, retrouvaille du goût de vivre.

Toujours relativement éloignés de leurs familles et amis, Valentina a, en plus d’avoir éduqué son fils et fait tourner la maison, été les mains de son mari durant toute sa vie. Il fallait lui donner à boire et à manger, lui changer la chaîne de la télévision, lui gratter le dos, le laver… bref faire pour lui tout ce qui était indispensable et qu’il ne pouvait pas faire. « Ça ne sert à rien de trop chercher à comprendre pourquoi, il faut juste accepter de recevoir la vie comme elle se présente. » Finalement, après plus de vingt ans alité, c’est à l’aube de ses cinquante ans que Juan est décédé. Et Valentina de nous confier « Je me suis sacrifiée, mais si c’était à refaire, je le referai. ». J’étais stupéfaite de l’écouter parler de son mari avec une telle admiration, sans une plainte, témoignant surtout de sa souffrance de le voir aussi seul. Pas un seul regard sur elle-même, elle s’est totalement offerte.

A la mort de son mari quelques mois avant la pandémie, c’est au service de son papa vieillissant que s’est mise Valentina. Malheureusement, le covid a attaqué sérieusement la famille et pendant qu’elle était en réanimation à l’hôpital, son papa est décédé, seul, dans sa maison. Deuxième choc entraînant une longue dépression mais également une peur-panique dont la conséquence fut un isolement encore plus grand. Finalement, après un certain temps, son fils est revenu vivre chez elle avec sa femme et ses deux enfants. Comme elle le disait si bien, elle a retrouvé quelqu’un à qui se donner en s’occupant de ses petits-enfants. De nouveau, elle a pu sortir d’elle-même pour être totalement au service de sa famille, ce qui lui a permis de revivre.

Aujourd’hui, elle nous raconte cette histoire tout en rendant grâce pour les quelques personnes qui ont été mises sur leur chemin pour les aider. Un homme qui a proposé d’offrir toutes les couches dont avait besoin Juan mais surtout les visites reçues par la communauté de la paroisse du quartier dont elle ne faisait pas encore partie (et dont elle est maintenant le pilier !) et la rencontre avec les volontaires du Point-Cœur avec qui l’amitié fut visiblement très grande. Ils faisaient partie des rares personnes que Juan acceptait de recevoir et qui étaient des amis.

Après les deux ans de pandémie, nous renouons aujourd’hui l’amitié avec Valentina. Nous la voyons s’ouvrir peu à peu mais surtout nous avons assisté à sa renaissance au fil de ces derniers mois.

Quelqu’un me demandait en juin : « Est-ce que votre mission est d’accompagner les personnes un peu bras-cassés du quartier ? » En pensant au témoignage de Valentina, je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était exactement le contraire : me laisser enseigner par cette femme !